Le moderne & curiose inventioni di Biagio Marini
25 ans après la parution du premier enregistrement monographique consacré au compositeur Biagio Marini (Ricercar 1998, L’héritage de Monteverdi / Diapason d’or), La Fenice aVenirerevient à Genève avec cette figure emblématique du Primo Seicento (premier baroque italien).
Le compositeur fut tout d’abord un jeune violoniste talentueux au service de Claudio Monteverdi à Saint-Marc de Venise ; il publie son premier recueil instrumental Affetti musicali(Affections musicales) dans la cité des doges à l’âge de 20 ans, avant de partir en tant que virtuoso del violino & maestro di capella sur les routes d’Italie (Brescia sa ville natale, Parma, Ferrara…) et au-delà des Alpes (Neuburg-an-der-Donau) où il compose son grand opus instrumental qualifié de Moderne & curiose inventioni.
La première partie du programme nous invite à découvrir la musique instrumentale et vocale profane du compositeur-violoniste : le Balletto primo écrit sur le principe de la variation, relate le geste d’improvisation de tout virtuose de l’époque. On retrouve cet art de la glose dans la Sonata à 3, écrite sur le thème de la chanson populaire Fuggi da lieti amanti, dont Marini commente le propos en ré-intitulant la pièce Sonata sopra Fuggi dolente core…
La porosité entre musique vocale et instrumentale se retrouve dans l’aria Tirinto mio tu mi feristi, qui devient à son tour une Gagliarda sopra Tirinto. L’aria Ricciutella pargoletta quant à elle s’inspire des intervalles plus propres au violon qu’à la voix, avec un thème qui évoque déjà les « inventions curieuses et modernes »… Point de censure musicale ni littéraire chez Marini, qui reprend le rythme de La Mantovana (La Mantouane) pour évoquer la Vecchia sdentata & bavosa » des scherzi & canzonette !
C’est bien sûr dans les Sonate à violino solo que se trouvent les caractères les plus novateurs de son écriture : une tessiture très élargie par rapport à ses prédécesseurs, l’utilisation de doubles-cordes (sonata per suonar 2 corde), une articulation et ornementation soigneusement notées (Sonata variata), l’utilisation novatrice du tremolo d’archet (La Foscarina), et enfin un discours réthorique qui révèle la « quasi naturalezza del canto » que ses contemporains voyaient et entendaient dans son jeu violonistique.
Consacrée à la musique d’église, instrumentale ou spirituelle, la deuxième partie verra nos musiciens actifs depuis la tribune, autour de l’instrument-roi du maître de chapelle que fut Marini à de nombreuses reprises. De fait, l’orgue n’est pas laissé pour compte avec la sonata per l’organo, qui fait intervenir auprès de l’orgue le violon, ou le cornet, ou le trombone… La voici dans une (première ?…) version pour violoncelle, le violonzino que mentionne déjà son collègue G.B. Fontana à Brescia.
Si L’aria per la Natività révèle de nouveau la veine mélodique de notre violoniste à la naturalezza del canto, l’inventivité harmonique indubitablement inspirée par son maître de chapelle à Saint-Marc Claudio Monteverdi trouve son paroxysme dans la passacaille (passacalio) à 3 ou à 4, dernière œuvre de son opus ultime. Il s’agit là peut-être d’un hommage à son premier maître et employeur vénitien, dont les parties de violons du Confitebor Tibi à voce sola con ritornelli furent peut-être jouées par le jeune Biagio !
Son amour de la cité lacustre n’aura pas réussi à exaucer son vœux ultime d’être inhumé et enterré à San Stefano de Venise, mais son œuvre s’inscrit à jamais comme « L’héritage de Monteverdi » que le maître de San Marco légua à ses musiciens virtuoses, auteurs d’une foisonnante musique instrumentale qui fit la fierté de la cité-miracle au temps de la Serenissima Republica di Venetia.