C’est en 1735 que Bach, alors à Leipzig, fait publier la deuxième partie de la Clavier-Übung quatre ans seulement après la publication des Partitas. Les deux pièces qui la composent, le Concerto dans le Goût Italien et l’Ouverture à la Manière Française, ont en commun d’être spécifiquement écrits pour une exécution sur un clavecin à deux claviers, permettant de rendre les effets de contraste nécessaires pour une transcription efficace d’une œuvre orchestrale sur un unique instrument.
Le Concerto dans le Goût Italien représente l’aboutissement de l’appropriation du style italien commencé par le jeune Jean-Sebastian avec la découverte de Vivaldi et suivi de nombreuses transcriptions de concertos (Marcello, Torelli, Albinoni). Le critique Scheibe écrit à propos de ce concerto dans Der critische Musicus : « Qui ne confesserait pas en effet que ce concerto pour clavier doit être regardé comme le parfait modèle d’un concerto pour une voix bien conçu ? Nous n’avons certes aujourd’hui que très peu ou même aucun concerto possédant des qualités aussi remarquables et qui témoigne d’une élaboration aussi bien imaginée. »
L’Ouverture à la Manière Française, seconde pièce de la Clavier-Übung II, est, à l’instar du Concerto dans le Goût Italien, une transcription imaginaire d’une ouverture composée pour l’orchestre. Bach lui adjoint de nombreuses danses, de caractères très variés, reconnaissables par tous les amateurs, facilement mémorisables, offrant une varietas indispensable en vue de la « réjouissance » du public.
Les deux autres pièces de ce programme révèlent un univers bien différent. Le Prélude, Fugue et Allegro BWV 998 semble être une œuvre plutôt réservée à l’intimité du musicien qui l’interprète, méditation quasi spirituelle dans le Prélude, examen approfondi dans la fugue et retour à la vie, joyeux et libéré dans l’Allegro. Quant à la Fantaisie chromatique et Fugue BWV 903, elle a marqué les esprits et laissé des souvenirs inoubliables à ceux qui l’avaient entendue. Forkel, premier biographe de Bach, lui consacre tout un paragraphe : « J’ai pris des peines infinies pour savoir si Bach n’avait point écrit un autre morceau du même genre, mais ce fut en vain. Cette Fantaisie est unique en son espèce et n’a jamais eu sa pareille. [...] Il est à noter que cette œuvre, effort d’art extraordinaire, fait impression sur l’auditeur même le plus inexpérimenté, pour peu qu’elle soit jouée avec soin. »