Les Fantaisies, Ricercari et Fiori Musicali
L’intégration du nouveau style des affetti cantabili dans le tissu d’un contrepoint strict et parfait a été une des obsessions de Frescobaldi tout au long de sa vie. Son œuvre publiée en est le reflet. Elle présente en effet une alternance de publications en « partiture » (la musique est publiée de manière à ce que chaque voix a sa propre portée : trois si la musique est à trois voix, quatre si elle est à quatre voix, etc.) et en « intavolatura », très proche de la présentation actuelle de la musique pour clavier, sur deux portées (présentation qui n’exige pas de suivi polyphonique strict, un accord de six notes pouvant s’insérer sans problème dans un contrepoint à trois voix par exemple). Si les œuvres en partiture sont d’essence polyphonique, donc proche du style ancien, celles en intavolatura, les toccate particulièrement, se veulent plutôt manifestes de la musique nouvelle, proche de la musique vocale et de son expression des passions de l’âme.
Dès sa première publication cependant, les Fantasie de 1608, Girolamo se pose en héritier de la grande manière de l’écriture polyphonique et de l’ingéniosité qu’elle requiert. Le livre est composé de douze pièces, quatre à un sujet, quatre à deux sujets, quatre à trois sujets et quatre à quatre sujets, mais toutes à quatre voix. Ces œuvres sont parmi les triomphes absolus de l’économie d’écriture (nous sommes proches d’une écriture « sérielle »), aucune note n’étant le fruit du hasard, mais découlant au contraire du ou des sujets, dans un traitement de l’écriture d’une diabolique ingéniosité, le compositeur utilisant entre autres le procédé de l’inganno (transformation mélodique ou rythmique du sujet, par exemple en changeant d’hexacorde au milieu d’un sujet). Le compositeur n’introduit aucun des passages en affetti qui feront sa gloire dans les fameuses toccate.
Les Recercari e Canzone Franzese (sic !) , s’ils sont aussi publiés en partitura, sont d’un contrepoint beaucoup moins strict, et nous voyons apparaître quelques passage plus libres, particulièrement entre les sections de chaque pièce. Si les Fantasie appartenaient à une conception de la musique comme reflet de l’organisation parfaite du monde, ce nouveau recueil semble plus destiné à la pratique courante de la musique, soit dans le cadre domestique, soit dans le cadre de l’église. Malgré (ou à cause de ?..) leur ambition compositionnelle plus modeste, ces œuvres n’en ont pas moins beaucoup de charme.
La destination ecclésiale est aussi celle du plus célèbre recueil de Frescobaldi, les Fiori Musicali. Le livre propose de la musique à jouer lors de trois messes différentes, mais pouvant toutefois s’intégrer à de nombreux autres offices. Vingt ans après la publication des Recercari, nous pouvons apprécier le chemin accompli par le compositeur. En effet, si le recueil est lui aussi présenté en partitura, de nombreux passages, aussi bien dans les toccate ou les canzoni que dans les brefs contrepoints sur les kyrie et christe, relèvent du nouveau style cantabile. C’est certainement la perfection de cette intégration du style moderne dans une polyphonie toujours fluide et vocale qui séduira de nombreuses générations de compositeurs. Les Fiori Musicali furent d’ailleurs un modèle pour Johann Sebastian Bach, qui possédait un exemplaire du livre dans sa bibliothèque.
Le mie prime fatiche
Fantasia Prima sopra un soggetto
Fantasia Terza sopra un soggetto
Fantasia Sesta sopra doi soggetti
Canzona Seconda
Ricercare Nono, obbligo di quattro soggetti
Fantasia Duodecima sopra quattro soggetti
Il Primo Libro delle Fantasie a 4 – Milano, 1608
Recercari e Canzoni Franzese, Libro Primo – Roma, 1615
Musica da chiesa
Toccata avanti la messa
Kyrie
Christe
Kyrie
Canzon
Toccata avanti il Ricercare
Ricercare chromatico
Canzon
Fiori Musicali – Venezia, 1635