Lamentations dans la Rome du Seicento

La Passion du Christ est probablement, avec sa naissance, le moment de l'histoire chrétienne qui a le plus inspiré les peintres et les musiciens. Au début du Seicento, que ce soient les plaintes provoquées par la vision déchirante de Jésus sur la croix ou la vision de Jérusalem détruite trouvèrent une expression parfaite dans la monodie de la nuova mùsica, propre à rendre toutes les passions humaines, y compris les plus violentes. Les compositeurs utilisèrent toutes les ressources du langage chromatique, des enchaînements harmoniques audacieux, des dissonances inouïes pour nous faire partager la douleur de la Vierge ou de Marie Madeleine au pied de la Croix, et les déchirantes imprécations du Prophète Jérémie.

Les compositeurs romains furent particulièrement étonnants dans cet art. Bien qu'il ne reste que peu d'exemples italiens de Leçons des ténèbres, comparativement au répertoire français, il existe toutefois un manuscrit dans lequel s'illustrent, entre de nombreuses œuvres malheureusement anonymes, les noms de Carissimi, Frescobaldi, Mannelli (Carlo « della Viola »), Marcorelli, Rainaldi. La présence de compositeurs pratiquement tous d'origine romaine ou ayant travaillé à Rome, tend à faire penser que les autres pièces proviennent du riche répertoire musical de l'illustre cité.

Tous ces artistes ont accompli pour la musique la même révolution que le Caravage pour la peinture. Ils nous font partager avec un certain réalisme les douleurs humaines les plus profondes, ces « ténèbres » de l'âme, ces plaies que le Christ, par sa Passion, a ouvertes à nouveau.