Sonates pour violoncelle de Vivaldi

La découverte il y a quelques années de manuscrits comprenant trois nouvelles sonates pour violoncelle et basse continue est venue compléter les six sonates éditées à Paris en 1740 et a quelque peu modifié notre vision à l'égard de ces dernières. En effet, outre l'apport en nouvelle musique, certaines des six sonates de l'édition de Paris sont présentes dans les nouvelles sources de la Bibliothèque du Conservatoire de Naples et de la Bibliothèque du château du comte de Schönborn (Allemagne). Voilà de quoi enrichir notre façon d'appréhender, relire et revivre ces partitions !

Avec ces sonates, Vivaldi dégage un plaisir narratif aux multiples facettes… Dans le cadre rigoureux de la sonate d'église (quatre mouvements pour chaque sonate "lent-vif-lent-vif"), Vivaldi oppose bel canto et rhétorique dans une succession de danses (sarabandes, allemandes, gigues, sicilienne…), il esquisse une forme "Aria" dans quelques mouvements lents sans reprises, nous emmène furtivement dans l'univers du concerto grosso par un jeu de "tutti-soli", le tout au service d'un discours dense mais jamais chargé. De tous ces éléments naît un équilibre d'écriture surprenant, quasi serein, qui laisse s'épanouir le caractère propre à chaque sonate. Ainsi, le choix de la couleur dans la réalisation de la basse continue devient souvent une évidence tant la personnalité de chaque pièce semble affirmée. Cette littérature pour violoncelle n'est pas sans rappeler son archétype, la canzone du 17 ième siècle pour basso solo, basse ornée s'émancipant peu à peu dans une succession de brefs mouvements dansés ou récitatifs, prémisses de la forme sonate aboutie de Corelli. Ici, bien que partant toujours de la basse, le violoncelle va assumer sa voix de ténor et affirmer une ligne mélodique écrite de toute évidence pour capter l'attention.

Les reprises, ornées ou non, contribuent à l'équilibre de cette architecture. Elles permettent avec les mêmes paroles, de re-dire, d'en dire plus, ou de le dire différemment, incluant parfois à ces vers un élément d'insistance. Associées à une pulsation rythmique omniprésente, elles définissent par leur côté inéluctable la notion du temps… tout en se jouant parfois de la perception que nous en avons. Qui est allé à Venise, cette cité qui ne laisse pas indemne ses visiteurs, retrouvera ici cette sensation de parfaite harmonie mélangée d'intemporalité.
Ainsi, d'une allégresse parfois tumultueuse à la poésie la plus douce et la plus tendre, cette musique nous offre bien des surprises, avec le sentiment d'évoquer des choses profondes, voire essentielles, avec des mots simples.

Bruno Cocset